Fuji XT1-IR : le premier boîtier infrarouge grand public

Grâce à notre partenariat avec Fabrice Abuaf, chef produit des appareils photos numériques chez Fujifilm qui a porté le projet d’un boîtier infrarouge destiné au grand public, nous avons pu tester en exclusivité le tant attendu XT1 IR.

Nommé par extension IR pour “infrarouge”, ce boîtier reprend les caractéristiques et la prise en main du XT1 original, appareil hybride APS-C renfermant un capteur X-Trans CMOS II de 16,3 MP – sans filtre passe-bas. La particularité de cette version IR se retrouve au niveau de ce capteur dont le filtre protecteur anti-infrarouge (“hot mirror”) a été retiré et remplacé par un filtre clair non traité. L’ensemble du chemin optique original a été conservé, ainsi que son auto-focus. L’extension de la sensibilité vers l’infrarouge est annoncée jusqu’à plus de 1000 nm.

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Le XT 1 IR est donc un boîtier full-spectrum, permettant l’usage de toute la gamme de filtres infrarouges existants et de filtres ou gélatines colorés. C’est le premier avantage de ce type d’appareil pour tout photographe désirant pratiquer la photographie infrarouge : « modifié » en usine, il garde sa garantie initiale d’achat (contrairement à un boîtier défiltré en seconde intention qui la perd une fois l’appareil modifié) et est directement prêt à l’emploi. Le full spectrum s’avère également être d’une grande polyvalence car il ouvre la possibilité de faire des photos en lumière visible grâce à l’ajout d’un filtre UV IR cut type Schott, Kolari ou STC.


Le deuxième avantage est la possibilité de sauvegarder jusqu’à trois balances des blancs personnalisées, bien pratique lorsque l’on souhaite utiliser des filtres de longueurs d’onde différentes et que l’on a l’habitude de faire sa balance des blancs à la prise de vue.

1. Le boîtier et les optiques

Le poids du XT1 IR est sans conteste un autre atout de taille : avec ses 390g boîtier nu, sans batterie ni carte mémoire, ce boîtier se glisse en bandoulière sans peser sur l’épaule ou la nuque. La manipulation de filtres, convertisseurs et porte-filtres s’en trouve ainsi bien plus maniable. Avoir un appareil de base léger et peu volumineux constitue un atout non négligeable !

Nous avons pu tester quatre optiques Fuji ne souffrant pas de hotspots:

    • 16-50 mm f :3,5/5,6 Super EBC XC OIS
    • 23 mm f :1,4 Super EBC XF
    • 14 mm f :2,8 R
    • 18-55 mm f:2,8/4 R LM OIS

Elles ont l’avantage, comme la plupart des objectifs du parc Fuji, d’avoir des diamètres de filtre réduits (entre 58mm et 62mm), à l’image de leurs dimensions, ce qui limite le budget alloué aux filtres.

2. La visée

L’EVF (Eletronic ViewFinder) permet de s’affranchir de la visée Live View et de retrouver des sensations de prise de vue classique que l’on avait perdues en infrarouge. En effet, contrairement à la visée reflex qui, via un prisme, retransmet l’image traversant l’objectif, l’EVF se présente sous la forme d’un petit écran placé dans l’œilleton et affichant les informations enregistrées par le capteur. Ce dernier étant devenu sensible aux IR par la présence d’un filtre clair, l’image s’affichant dans le viseur est la même que celle affichée en Live View sur l’écran arrière de l’appareil. La prise en main et le cadrage s’en trouvent sensiblement facilités.

Le mode “Eye Sensor” est plutôt pratique mais présente un désavantage lorsqu’on veut effectuer une prise de vue à l’œilleton tout en affichant ses images sur le LCD arrière. En effet, en plein soleil, on a tendance à utiliser sa main pour empêcher les reflets. Or si cette main placée en haut de l’écran est détectée par l’ Eye Sensor comme étant votre œil, alors l’écran LCD va automatiquement se couper.

Par ailleurs, la visée Live View, indispensable lorsqu’un filtre très opaque est fixé sur l’objectif, est confortable avec son format 3 » inclinable.

L’auto-focus à 77 zones est très performant dans ces deux modes de visée, y compris en condition de basse lumière.

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© Raphaele Goujat – 16-50mm | 1/60s | f/8 | ISO800 – Hoya R72


3. Les paramètres

La possibilité d’enregistrer trois balances des blancs différentes dans trois slots dédiés est sans conteste un point fort pour la pratique de la photographie infrarouge. Cette fonction facilite le passage d’un filtre à l’autre, sans avoir à refaire une balance des blancs : il suffit de régler l’appareil sur la balance des blancs correspondante, que l’on aura préalablement configurées avec une charte de gris. On apprécie le fait que la zone de mesure ne doive pas couvrir 100% de la zone de capture pour obtenir une balance correcte. En effet, une simple portion d’aplat plan/gris dans l’image suffit au XT1-IR pour paramétrer les couleurs. Cependant, la manipulation en elle-même du boîtier pour cette mémorisation gagnerait à être facilitée, celle-ci n’étant pas vraiment intuitive. Il est à noter que l’image de référence pour la balance des blancs n’est pas mémorisée, ce qui serait bien utile en post-production pour se souvenir du filtre utilisé.

Concernant l’histogramme, on regrettera l’absence de l’affichage des trois composantes R, V, B, notamment lorsque l’on utilise un filtre compris entre 590 et 720 nm. Ces longueurs d’onde nécessitent une exposition très fine de la couche rouge afin d’éviter son écrêtage, résultant en la formation de zones « cramées » dans l’image. Il s’agira avec le XT1 IR d’exposer au jugé.

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© Pierre-Louis Ferrer – 14mm | 1/125s | f/8 | ISO200 – Gélatine colorée


4. La post-production

Avant de procéder à la retouche à proprement parler, le développement du fichier RAW est une étape cruciale. Nous savons qu’en infrarouge les logiciels propriétaires nous permettent d’obtenir des fichiers plus conformes à la prise de vue, notamment en ce qui concerne la balance des blancs. Cela est d’autant plus vrai que la matrice de filtrage des ondes rouges, vertes et bleues est différente de la traditionnelle grille dite de Bayer. Fuji a en effet un système propriétaire nommé X-Trans. Dans le schéma ci-dessous, la différence apparaît clairement :

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Au développement, ce détail prend tout son sens : en effet, Camera Raw (Photoshop, Lightroom), RawTherapee, UFRaw, etc ne sont pas optimisés pour interpréter ce système propriétaire. En résulte ce que l’on trouve communément nommé sur les forums le “Watercolor Effect” (effet aquarelle) : si l’on développe un fichier Fuji avec un logiciel autre que le logiciel propriétaire, on court le risque d’avoir d’étranges effets dans les détails de l’image qui semblent avoir été passés à la moulinette d’un effet Photoshop de mauvais goût ! Les images ci-dessous seront plus parlantes : le même fichier RAW Fuji (extension .RAF) traité avec les paramètres standards de Camera Raw 9.2 et Raw File Converter EX 2.0 (Sylkipix, l’utilitaire de Fuji).

Développement RAW
avec Adobe Camera RAW/ Raw Therapee

Développement RAW
avec SylkiPix (Fuji)

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003-ACR 003-Silypix
RAW_Therapee Fuji_SilyPix
En conclusion

Le XT1 IR de Fujifilm, exclusivement dédié à l’infrarouge, est un boîtier fort intéressant en cela qu’il représente le premier hybride « mirror less » dans son genre accessible au grand public. Il profite de l’expertise de Fujifilm en matière de construction optique et ravira les adeptes de photographie infrarouge en offrant des fonctionnalités facilitant la prise de vue et une très bonne qualité d’image. La possibilité de faire de la vidéo en full-spectrum est un + fort appréciable dans la mesure où les seuls appareils de série disponibles sur le marché permettant une telle prouesse, le sont à des prix bien plus élevés et inaccessibles pour la plupart des amateurs (RED Epic Infrared, par exemple). La fonction wifi du boîtier couplée à l’application Fujifilm Remote est pratique en reportage pour le pilotage à distance et le transfert rapide de ses photos sur les réseaux sociaux par exemple. Seul souci : en infrarouge le traitement est indispensable et demande des fonctionnalités de post-prod assez évoluées qui sont majoritairement absentes des applications mobiles de retouche les plus courantes.

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Un de ses handicaps reste cependant son prix : 1700€ boîtier nu, ce qui le réserve préférentiellement aux personnes déjà équipées en optiques de la même marque. Les grands absents sont les filtres : il serait intéressant que Fuji développe ses propres filtres IR optimisés pour son capteur X-trans, calibre les balances des blancs de ces filtres en mémoire de l’appareil. Acheter un kit comprenant le boîtier avec un jeu de 3-4 filtres (à un diamètre constant, type 58mm) et un hot mirror vissable (ou interne escamotable!) serait une solution clé en main et compétitive sur ce marché.

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© Yann Philippe – 14mm | 1/250s | f/4 | ISO200 – Hoya R72

A l’heure où nous écrivons, nous n’avons pas d’informations complémentaires concernant les canaux de distribution du XT1 IR et à partir de quelle date il sera mis en vente.

Pour en savoir plus sur les caractéristiques techniques du XT1 :

https://www.fujifilm.eu/fr/produits/appareils-photo-numeriques/model/x-t1/

Galerie XT1 IR