PHOTOGRAPHIE INFRAROUGE

Le filtre IRChrome

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Avant que la photographie ne se tourne entièrement vers le numérique, il était possible de réaliser des clichés infrarouges à l’aide de plusieurs pellicules disponibles sur le marché. La plupart d’entre elles étaient en N&B (comme la KODAK HIE ou la ROLLEI IR400) mais il y avait également des pellicules infrarouges dites en « fausses couleurs ». L’une des plus connues était la KODAK EIR.

La KODAK EKTACHROME Professional Infrared EIR était un film inversible sensible aux infrarouges qui offrait un rendu dit en “fausses couleurs”. Il était destiné à de nombreuses applications photographiques où la vision spécifique des rayonnements infrarouges pouvait apporter des informations supplémentaires à celles fournies par le spectre visible seul : le milieu de l’art, de l’industrie, des sciences & de la médecine, la prise de vue aérienne, etc. L’intensité de la réflectivité infrarouge du matériau photographié à un instant précis affectait le rendu final en couleur. Kodak a également vendu ce film sous le nom « Aerochrome III » qui était alors plutôt orienté vers un usage militaire ou à des fins de cartographie, en format 120.

Le film pouvait être utilisé pour créer des effets pictorialistes saisissants dus au rendu en fausses couleurs. Le rendu des couleurs dépendait de l’exposition, du développement (E6 ou AR5) et de la quantité de réflectivité infrarouge des sujets. Voici quelques exemples :

David Hochleitner
https://www.instagram.com/elopan_photography/

Yoann Bentejac
https://www.flickr.com/photos/142019618@N07/
Simone Dasdadagazzo Nescio
https://www.flickr.com/photos/shifuwoziji/

Nous vous invitons également à découvrir les fantastiques images de Mark Rowell dans notre rubrique « LUM’I.R. SUR » dédiée à son travail.
Les feuilles vertes deviennent rouge vif ou d’un magenta intense, l’eau bleutée s’assombrit ou devient noire, les nuages contrastent avec le ciel. Le rendu est étrange mais esthétique. En chimie E-6, la peau prend une apparence plus jaunâtre avec des lèves carrément jaunes. (voir séquence de la bataille finale du film Alexandre d’Oliver Stone : https://www.youtube.com/watch?v=iYRi-Hbi2Sg) , ce qui confère un look unique ou des effets spéciaux appréciés des photographes de mode ou de publicité sans l’aide d’un post-traitement particulier de l’image. Le filtrage avec différentes combinaisons de verres peut être utilisé pour étendre les possibilités de rendus.

Alexei Hay
http://www.alexeihay.com/
Auteur inconnu

Avec la renaissance actuelle du film photographique (les ventes continuent d’augmenter depuis ces trois dernières années), de nombreux fabricants de pellicules font revivre d’anciennes références qui ont été abandonnées depuis longtemps : Kodak a par exemple annoncé en 2017 la réédition de sa célèbre Ektachrome. Les photographes du monde entier s’intéressent à nouveau davantage aux procédés argentiques pour leurs travaux.
La mauvaise nouvelle est que, concernant l’Aerochrome (dont la production a été arrêtée il y a près d’une décennie), aucun retour n’est prévu dans un avenir proche.
C’est un film quasiment impossible à trouver de nos jours ; si vous avez de la chance, vous pourrez peut-être vous procurer l’un des derniers rouleaux apparaissant de temps à autre sur les sites d’enchères en ligne. Mais soyez prêt à payer 80$ ou plus pour seulement 24 expositions (et il s’agira quoi qu’il arrive d’un rouleau périmé depuis longtemps et dont la réfrigération aura été plus ou moins hasardeuse) !

De nombreuses raisons expliquent un tel prix : la pellicule EIR/Aerochrome a été abandonné il y a des années, il s’agissait alors du seul film de diapositives couleur infrarouge en traitement E-6 disponible sur le marché. La fabrication était effectuée par petites séries, et la durée de conservation hors réfrigérateur ne dépassait guère un mois. Le film était déjà coûteux du temps de sa commercialisation : environ cinq fois plus qu’un rouleau ordinaire !
La popularité de cette pellicule a été ravivée en 2010-2011 grâce au travail de Richard Mosse avec ses séries : « L’Enclave » et « INFRA ».

Richard Mosse
http://www.richardmosse.com/projects/the-enclave

Depuis les débuts de la photographie IR numérique, les photographes ont bataillé pour s’approcher des résultats de la pellicule infrarouge couleur avec néanmoins quelques succès notables. Beaucoup de pionniers de cette discipline ont commencé par utiliser le même filtre Jaune #12 qui était utilisé en photographie infrarouge couleur argentique. Mais le post-traitement était pénible et requérait parfois des connaissances techniques avancées. Affiner le rendu n’était pas évident ! Il pouvait également y avoir beaucoup de franges lumineuses autour des détails fins (comme les branches ou feuilles au lointain)


Le logiciel de JW Wong est capable de générer un rendu IRG mathématiquement correct à partir d’une image shootée avec un filtre jaune.
Représentation des franges qui peuvent apparaître sur les contours de détails fins, notamment quand le mélangeur de couches est utilisé.

Depuis 2008 et plus activement depuis 2015, je me suis plongé dans la quête de l’émulation de l’EIR numérique et ai essayé de nombreuses méthodes inexplorées. Mon but était d’obtenir un rendu IR couleur directement dans un appareil full-spectrum sans avoir à mélanger les canaux en post-production. J’ai tenté d’utiliser des filtrages dont la couleur était à l’exact opposée de celle utilisée initialement en photo IR couleur argentique : on passe donc du jaune/orangée au bleu/cyan.

Après de nombreux essais et échecs au cours d’une longue période d’expérimentations et de tests, j’ai finalement réussi à établir une courbe de transmission précise que Kolari Vision a réussi à produire en tant que filtre en verre. Après avoir testé de nombreux prototypes dans des conditions météorologiques variées et des environnements divers, nous avons réussi à finaliser le filtre infrarouge IRChrome.
A présent disponible à la vente en ligne, vous pouvez avoir accès à ce tout- nouveau rendu infrarouge en photographie numérique ! Avec un rendu immédiat d’incroyables éclats de rouge sur tous les matériaux sensibles aux IR ! Cela ressuscite vraiment le film mythique de Kodak.

Je me suis demandé si le prototype final était aussi proche de ce que nous souhaitions du film original EIR/Aerochrome. J’ai donc acheté une pellicule périmée sur eBay au prix exorbitant de 60$ ! Au scan un voile magenta était très présent, dû sans nul doute à la date de péremption avancée du film. Une comparaison avec des chartes colorées et d’anciens scans d’EIR m’ont permis de m’approcher le plus possible d’une référence non périmée. 

Mon protocole de travail a consisté à positionner deux appareils photo côte à côte sur un trépied : mon appareil numérique Canon Eos 6D MKII converti en full spectrum par Kolari Vision et un Nikon F3, tous deux équipés d’un objectif Pentax Super Multi-Coated Takumar 35mm 1:3.5.

L’appareil numérique converti en « full spectrum » avec le nouveau prototype du filtre IRChrome. L’appareil argentique avait lui été chargé avec du film Aerochrome exposé au travers d’un filtrer #12 (Jaune) ou Orange.

En utilisant uniquement Adobe Camera Raw (sur les fichiers issus de l’appareil numérique) pour ajouter du contraste/grain et pour ajuster les hautes et basses lumières, voici le comparatif entre de la véritable pellicule Aerochrome (dont le voile magenta dû à la péremption a été corrigé au scan) et la version numérique shootée avec le filtre IRChrome de Kolari Vision :

Plutôt similaire vous ne trouvez pas ? Ce rendu est à la portée de chacun, grâce au premier filtre conçu pour émuler au plus proche le rendu de la pellicule infrarouge couleur classique de Kodak sans avoir à réaliser une lourde post-production numérique !

Voici quelques images prises avec ce filtre :

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