LUM’IR sur EDWARD THOMPSON

EDWARD THOMPSON

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Edward Thompson, photographe documentariste, a récemment publié un « Atlas de planches infrarouges« , compilant de fantastiques images oniriques shootées avec la pellicule Kodak EIR, aujourd’hui introuvable. Le livre “THE UNSEEN – AN ATLAS OF INFRARED PLATES” offre des images hétéroclites que seule la technique rassemble. Parmi les douze sections de l’ouvrage, un volet est consacré à l’environnement et aux conséquences climatiques actuelles. Une autre partie de la série se concentre sur les expériences médicales et le corps humain. L’auteur révèle ainsi la cartographie des veines en les faisant ressortir sous la peau ou le rôle de l’infrarouge pour les opérations chirurgicales. Edward Thompson s’est prêté au jeu des questions pour infrarouge.photo.
(traduit de l’anglais)


Yann Philippe : Comment t’est venue l’idée de publier un livre sur la photographie infrarouge ?

Edward Thompson : J’avais l’idée d’un projet qui a finalement évolué en un livre. Tout a vraiment commencé en shootant deux rouleaux de film infrarouge pas loin de là où j’ai grandi, dans un « village hanté ». Après avoir fait des recherches sur cette pellicule et l’histoire de l’infrarouge, j’ai réalisé qu’il y avait un énorme terrain à couvrir !


YP : Quand es-tu tombé amoureux avec la photo IR ? As-tu tenté l’infrarouge en numérique ?

ET : Après avoir vu les résultats du village hanté, je savais que je devais me procurer plus de ce défunt film devenu incroyablement rare. Je n’ai jamais shooté en infrarouge numérique, les résultats que j’ai vus en ligne m’ont toujours semblé assez pauvres comparativement à l’étendue tonale de la pellicule.

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YP : Comment continues-tu à trouver de l’EIR/Aerochrome ?

ET : Je n’en ai pas, tout est parti. A l’époque, j’arrivais à m’en procurer par un type en Allemagne et un photographe de New York.


YP : Est-ce que tu retouches tes images après les avoir scannées ?

ET : Non, j’enlève simplement les dominantes colorées comme tu le ferais avec n’importe quel film scanné. La beauté est la transparence du film qui du coup est identique à ce qui a été imprimé dans le livre; comme il s’agissait de positifs et non de négatifs.

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YP : Qu’est-ce que cette mystérieuse « Ligue des photographes infrarouges? » Je n’ai rien trouvé comme informations sur le net, seulement des trucs obsolètes.

ET : Je ne devrais pas vraiment parler de la ligue, ils sont plutôt mécontents de la dédicace sur la couverture. Ces vieux groupes peuvent devenir très possessifs à propos du medium infrarouge, alors que je vois cela plus comme une pratique démocratique.


YP : Ton livre a un aspect très spirituel, presque mystique, ce que fait écho à la technique de la photographie infrarouge elle-même. Quel est ton sentiment vis-à-vis de cela ?

ET : Oui, il y a une limite à notre vision. L’invisible est l’inconnu et pour certains l’inconnu est à redouter. J’ai travaillé en tant que photo-journaliste et photographe documentaire pendant 15 ans; j’ai vu des choses et ai tenté de les montrer telles que je les ai vues de mes propres yeux.

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YP : Comment as-tu travaillé avec ton éditeur sur ce livre ? Comment l’as-tu convaincu de faire un livre sur la photographie infrarouge ?

ET : Je leur ai présenté mes premiers travaux sur une série et ils ont aimé la direction prise. Ils ont été très surpris quand je suis revenu les voir avec autant de matière provenant de seulement 52 rouleaux de film couvrant 13 sujets différents.


YP : Peux-tu expliquer ton éditing et tes choix de mise en page ? (beaucoup de séries sont éclatées sur différentes pages du livre de façon non linéaire)

ET : Le livre est divisé en chapitres, à propos des crues, de l’astronomie, de la sylviculture. Un peu comme un recueil scientifique mais dans lequel il y aurait des altérations. Certaines pages ont été physiquement déplacées dans d’autres chapitres et certains sujets semblent pouvoir se mouvoir au sein même du livre. Les portraits des apiculteurs du chapitre « The Apiary » suivent le chapitre sur l’astrophotographie, créant un contexte tel qu’on peut alors les percevoir comme des astronautes. La combinaison protectrice des apiculteurs peut aussi être vue comme une combinaison « Hazmat », ce qui préfigure le chapitre final dans la « Forêt Rouge de Tchernobyl ». Comme une expérience psychédélique, les œuvres de chaque chapitre refusent d’être définies et se fondent les unes dans les autres comme dans un rêve. La recherche scientifique dans l’histoire de la photographie a toujours été axée sur la documentation factuelle – ce travail questionne la fiabilité de notre histoire.

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YP : Peux-tu nous parler de ton choix de papiers différents pour l’impression du livre ?

ET : La majeure partie du livre est sur le papier non couché, l’une des raisons envisagées est que je voulais que le livre soit un peu comme un roman, pas le brillant habituel des livres qu’on laisse sur la table du salon. La papier calque permet par superposition de montrer ce qu’une photo standard montrerait au lieu de l’infrarouge, la partie nommée « Hellir », shootée dans des grottes de glace en Islande est entièrement sur du papier hautement brillant car cela permettait de mieux faire ressortir les bleus.

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YP : Est-ce que la photographie infrarouge est ta pratique principale ?

ET : Non, je n’avais jamais travaillé avec ce medium avant le livre. Je pense que mes années en tant que photographe travaillant sur pellicule ont vraiment servi car cela m’a donné une discipline technique me permettant de produire autant avec seulement 52 rouleaux. Quand tu n’as que 6 bobines pour moyen format et que tu es dans une forêt radioactive, tu ne fais pas de bracketings sur tes compositions, il y a bien trop à photographier ! Shooter plusieurs fois la même vue serait un crime envers cette pellicule si rare.

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YP : Quels sont tes projets à venir ?

ET : Je suis en train de faire quelque chose de très radical et très expérimental. Garde un œil sur mon site web. Ce sera quelque chose de très étrange et les gens pourront s’impliquer dans le processus de création.