PHOTOGRAPHIE INFRAROUGE

LUM’IR sur MARK ROWELL

Si, comme moi, vous avez encore un compte Flickr et que vous êtes passionné par la photographie infrarouge, vous avez déjà dû admirer les photographies argentiques de Mark Rowell, photographe écossais aussi talentueux qu’accessible et généreux. Ce nouveau LUMI’R sur… lui est consacré!

MARK ROWELL

Innominate Tarn – MARK ROWELL

Pierre-Louis Ferrer : Bonjour Mark, et merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Pour commencer, peux-tu te présenter à nos lecteurs? Où vis-tu, quel âge as-tu, que fais-tu dans la vie?

Mark Rowell : J’ai 50 ans et je travaille dans une entreprise de quincaillerie architecturale basée à Carlisle, où je vis également.


PLF : Quand et comment as-tu débuté en photographie, quels sont tes thèmes et techniques de prédilection et comment pourrais-tu décrire ta démarche photographique?

MR : Je suis photographe amateur, passionné de photographie depuis plus de dix ans. J’ai débuté en utilisant un appareil photo numérique, mais je me suis progressivement tourné vers l’argentique et maintenant, je photographie exclusivement en argentique.

Carlisle se situe juste au sud de l’Écosse, à seulement une heure du Lake District, le secteur est donc parfait pour la photographie de paysages.

Je me suis mis à l’argentique car j’y trouve une plus grand latitude créative, en fonction de l’appareil ou de la pellicule que j’utilise. Une prise de vue en noir et blanc réalisée au sténopé grand angle est très différente d’une prise de vue infrarouge réalisée avec un Hasselblad.

Needle Rock – MARK ROWELL

PLF : Comment as-tu découvert la photographie en infrarouge, et pourquoi as-tu décidé d’y consacrer une partie de ton travail? Quelles sont les valeurs ajoutées de cette technique dans ton processus de création?

MR : Jusqu’alors je photographiais des paysages principalement en noir et blanc et j’avais envie de changer, alors je me suis intéressé aux types de pellicules couleurs existants en surfant sur le web. Je suis tombé sur des photographies de portraits et de paysages prises en aerochrome en me promenant sur Flickr, surtout des images d’arbres en été. Le résultat était surréalistes, et m’a donné envie d’essayer.

Utiliser une pellicule infrarouge change totalement ta vision du monde, elle te permet de visualiser une scène au-delà du visible. J’apprécie toujours autant prendre des photos d’arbres en été, mais j’ai aussi commencé à utiliser cette pellicule dans les montagnes, près des lacs, en hiver, et cela a très bien fonctionné.

Loch Shiel from Beinn an Tuim – MARK ROWELL

Maintenant, j’utilise l’aerochrome comme avec n’importe quelle autre pellicule, il s’agit uniquement de réfléchir à la lumière et à la composition.


PLF : Cette technique étant assez contraignante en argentique, comment as-tu dépassé ces difficultés pour obtenir un rendu aussi réussi? Quel matériel utilises-tu pour réaliser tes clichés? Développes-tu toi-même tes pellicules? Quel est ton flux de travail une fois les photos développées?

MR : J’ai trouvé facilement des pellicules d’aerochrome au format 120 sur Internet. En revanche, ayant demandé à d’autres photographes quels étaient les filtres qu’ils utilisaient avec l’aerochrome, j’ai réalisé que le filtre B+W 099 était la meilleure option, mais que ce dernier n’était plus fabriqué. Du coup, trouver ce filtre s’est révélé bien plus difficile que de trouver les pellicules!

J’utilise toujours un Hasselblad 903 SWC avec cette pellicule, un filtre B+W 099, un trépied, un viseur et un câble souple pour déclencher.

J’ai fait des provisions d’aerochrome il y a quelques années, et j’ai toujours une vingtaine de rouleaux au congélateur. J’ai pris l’habitude de bracketer mes prises de vue, même si avec le temps je sais que, les jours ensoleillés, je vais obtenir une bonne exposition à F/16 en exposant à 1/125s ou 1/60s. Je continue à bracketer par temps couvert, toujours en fermant à F/16 mais en commençant à exposer à 1/30s puis à 1/15s, et je descends quelquefois à 1/8s. Parfois, il arrive qu’une photo surexposée fonctionne mieux.

Enfin, j’envoie mes négatifs à Peak Imaging pour les faire développer, avec une indication de développement dans l’obscurité totale.

Buttermere from Fleetwith Pike – MARK ROWELL

Yann Philippe : Tu shootes des paysages grandioses, déserts et silencieux avec une pellicule ancienne, rare et quasi-introuvable, quel est ton rapport au temps lors de tes prises de vues ? Combien d’images exploites-tu après une sortie ?

MR : les pellicules d’aerochrome les plus récentes que j’ai en stock ont expirées en 2011. Cependant,  j’ai déjà utilisé des pellicules plus anciennes en obtenant de bons résultats. A partir du moment où elles sont congelées, il ne devrait pas y avoir de mauvaise surprise.

Comme j’ai l’habitude de bracketer mes prises de vue, si je suis chanceux j’obtiens quatre photographies satisfaisantes par rouleau.

Lorsque je pars photographier durant toute une journée, je me limite à un rouleau de pellicule et je fais en sorte de shooter les 12 vues car une fois sortie du congélateur, la pellicule se détériore rapidement et je ne veux pas laisser un rouleau chargé dans mon appareil durant plusieurs semaines.

Si je pars durant toute une semaine, je prends avec moi trois ou quatre rouleaux.


YP : Connaissant la rareté de l’aerochrome t’es-tu déjà interdit de photographier une scène car pas suffisamment forte ou intéressante pour mériter d’utiliser une vue?

MR : Je n’ai jamais eu à annuler une sortie photo une fois celle-ci planifiée. J’aime les journées nuageuses même si je n’utiliserais pas cette pellicule s’il pleuvait. Il est admis qu’en photographie on ne devrait pas photographier de paysages à midi, lorsque le soleil est au zénith, alors que c’est le moment idéal pour utiliser l’aerochrome.

Je pense que cette pellicule peut transformer n’importe quel paysage ordinaire en scène extraordinaire, en lui conférant un aspect spectaculaire!

High Crag from Haystacks – MARK ROWELL

YP : La plupart des pellicules aerochrome périmées shootées avec un filtre orange à la prise de vue ont un fort voile magenta une fois scannées. Est-ce aussi ton cas? Comment gères-tu cela pour obtenir à nouveau les élégants tons rouges sur tes images?

MR : Je n’ai jamais observé de voile magenta, mais je pense que cela pourrait être dû à la détérioration de la pellicule une fois sortie du congélateur.


PLF : Passons à l’aspect artistique : on sent une vraie cohérence au travers de toutes tes images, parfois minimalistes, parfois mystérieuses, révélant des paysages d’Écosse totalement fascinants. Comment choisis-tu tes sujets?

MR : Lors de mes voyages en Écosse, j’ai une liste de lieux que je souhaite visiter, comme les menhirs de l’île de Lewis. Mais il y a toujours de nouveaux endroits inattendus à découvrir. Une anecdote : en attendant le bus à Callanish pour rentrer à Stornoway, j’ai vu ce bateau chaviré qui est devenu l’un de mes clichés préférés de ce voyage.

Capsized on Loch Ceann Hulabhaig – MARK ROWELL

En aerochrome, je savais que les algues se démarqueraient et serviraient de lignes directrices dans la composition.


PLF : Quelle a été ta première photographie réalisée en infrarouge? Quelle est ta photo la plus marquante? Quelle est celle que tu rêverais de faire?

MRMa première photographie en aerochrome a été prise dans le Yorkshire et s’appelle « Summer Tree ».

Summer Tree – MARK ROWELL

Une de mes photographies préférée a été prise cette année.

Allt a’Mhuilinn – MARK ROWELL

J’ai utilisé un filtre Big Stopper en complément du filtre B+W 099. En fermant à F/16, j’ai exposé durant quatre minutes.


PLF : As-tu déjà exposé ton travail? Si oui, où et quand? Si non, pourquoi et envisages-tu de le faire prochainement?

MR : Je n’ai jamais exposé et je ne prévois pas de le faire pour le moment.


PLF : Es-tu inspiré par d’autres photographes, et si oui lesquels?

MR : Je suis inspiré par la communauté des photographes de Flickr, où je trouve d’excellents exemples de photographies infrarouges numériques qui ressemblent beaucoup à l’aerochrome. Une photographie en aerochrome bien exposée fait toujours son effet!


PLF : Pour finir, quels sont tes projets futurs?

MRJ’ai des lieux en tête dans la région des lacs, pour les prises de vues en infrarouges, qui nécessitent beaucoup de marche. J’espère les visiter l’année prochaine si la météo le permet.

Sycamore Gap – MARK ROWELL

Traduit de l’anglais. Toutes les photographies illustrant cet articles sont l’œuvre de Mark Rowell et utilisées avec son autorisation. Découvrez l’intégralité de son travail sur son compte FLICKR.

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